TOURNÉE TERMINÉE
AVEC
SOPHIE BERNEYRON, EMILIE HAMOU, YAN RICHARD ET TRISTAN WILLMOTT
MISE EN SCENE DE SYLVAIN GUICHARD
SCÉNOGRAPHIE D'ANAËLLE VANEL
LUMIERES D'ALBERTO CANO
SON DE CLEMENT CAÑO LOPEZ

























QU'AVIONS NOUS FAIT ?
Le Débit de Pain s’inscrit dans une situation de crise économique aux symptômes identiques à ceux que nous connaissons aujourd’hui, il m’a semblé pertinent, à l’heure où la pression sociale n’a de cesse de intensifier, où le repli sur soi, l’individualisme et la peur gagnent du terrain, de mettre en scène ce texte.
Parce que le monde est fatigué, qu’il s’use, qu’il se rouille et que ce qu’il devient à nouveau, encore et encore, me révolte, j’ai voulu à travers cette fable inachevée que nous a laissée Brecht poser sur le plateau toutes les composantes qui pourraient
conduire à une révolution.
Je dis « pourraient » parce que le reste appartient au spectateur. Je lui propose quelque chose. Une chose et son contraire, même.
Il ne s’agit pas ici de faire un spectacle à charge, de livrer une morale, mais bien de créer un espace, au temps présent, pour que les questions soient posées. Et l’écriture de Bertolt Brecht est en ce sens, des plus efficaces, radicales et nécessaires.
La relation qui se crée entre le plateau et la salle, par l’adresse, le regard, le texte et le chœur est unique à chaque représentation et c’est de cette vérité-là que surgit le théâtre que nous recherchons.
En suivant le processus didactique de Brecht, je cherche à insuffler aux acteurs suffisamment de liberté pour construire cette relation. Ainsi, nous pourrons ensemble nous poser cette question :
Peut-on aujourd’hui se soucier du sort de l’autre ?
Nous sommes tous égaux devant cette question. Nous consommons de plus en plus et partageons de moins en moins. Défendre son intérêt personnel, son territoire et ses possessions est cause nationale. Nous désirons plus que tout au monde la sécurité. Et nous rêvons juste d’un peu plus de confort.
Le Débit de Pain nous fait voir tout cela, et la distanciation chère au théâtre épique de Bertolt Brecht nous permet de le vivre de près et de loin, de choisir notre point de vue et surtout, de rire.
Car comme il le rappelait lui-même : « Celui qui ne prend pas plaisir à ce qu’il fait ne doit pas s’attendre que quiconque d’autre y prenne plaisir »
Ce que nous faisons de cette histoire et de cette question est ensuite l’affaire de chacun.
Sylvain Guichard
Lettre de Matthias Langhoff

MONOLOGUE
DE L'AGENT IMMOBILIER
« Mais pour nous aussi les temps sont terribles.
Nous avons affaire aux petites banques, elles nous tiennent à la gorge, tout en étant elle-même entièrement dans les mains des grandes. Et les grandes sont de nouveau en pleine crise.
Entre industrie et commerce, les rapports sont extrêmement complexes, et les comprendre, c’est à peine si je le peux moi-même, alors bien sûr, à vous qui n’avez pas fait d’économie politique, je n’en dirai pas plus.
Quoi qu’il en soit, il vous su< ra d’apprendre que vous, monsieur Meininger, vous êtes déjà un homme fini. Notre société immobilière peut bien vous apparaître, à vous, comme extraordinairement puissante, pour cette raison que nous vous avons consenti deux hypothèques sur votre maison, mais c’est une société en fait plutôt petite et sa situation est tout simplement effroyable.
Nos petites banques –
qui sont pressées comme des citrons par les grandes, lesquelles depuis des semaines ne dorment plus de la nuit, pour cette raison que les banques nationales elles-mêmes vacillent, et ceci parce que l’industrie engloutit des sommes énormes sans que ça lui rapporte un radis, et ceci parce que l’État en est à caresser l’idée d’aller jusqu’à faire payer des impôts à l’industrie, et que ces impôts, chose qui de mémoire d’homme ne s’est réellement jamais vue, le projet existe déjà d’aller jusqu’à les faire effectivement rentrer, et ceci parce que l’Amérique, auprès de laquelle l’Europe s’est endettée jusqu’au cou, est aux prises avec une crise effroyable, et sur les causes de cette crise, les plus grands savants en économie politique n’arrivent absolument pas à se prononcer clairement
– sont elles-mêmes à l’agonie.
Nos petites banques sont à l’agonie ! »
